Cannabis bio à domicile : jardinage hors la loi

De nombreux consommateurs voient d’un bon œil la culture, chez eux, de plants parfaitement illégaux. Parallèlement, d’importants réseaux font pousser du cannabis bio marijuana à une tout autre échelle. Témoin, la multiplication de grosses saisies dans le Nord – Pas-de-Calais.

Sûrement n’ont-ils jamais imaginé avoir la main verte, mais pour répondre à leur addiction au cannabis, de plus en plus de consommateurs nordistes s’improvisent horticulteurs d’intérieur. À l’ère des forums sur Internet et des magasins spécialisés ouvrant dans tout le Nord – Pas-de-Calais, il n’a jamais été aussi facile de se mettre à la culture du placard, en faisant pousser, en toute illégalité, sa drogue chez soi.
Il y a quelques années, Stéphane  a reçu d’un ami un cadeau particulier : un plant de cannabis. Le trentenaire, résidant dans l’Arrageois et inséré dans la société, fume du cannabis depuis de longues années. Des prix excessifs à l’achat, le risque de se faire arrêter à chaque voyage aux Pays-Bas, Stéphane a sauté le pas : il s’est improvisé jardinier pour faire pousser son herbe. « À la base, c’est purement économique, explique-t-il. Après, le plaisir du jardinage est venu, en allant sur les forums spécialisés. » Dans sa serre, Stéphane possède actuellement trois plants. « J’en ai eu jusqu’à dix, mais j’en ai perdu en route. Mon objectif, c’est faire pousser sans que ce soit une corvée. Ce n’est surtout pas pour revendre. »

Système de culture de cannabis en intérieur
Système de culture de cannabis en intérieur

Le nombre de ces cannabiculteurs qui comme Stéphane passent de la simple détention à la production – passible de 20 ans de prison et de 7,5 millions d’euros d’amende – serait en constante augmentation. « On rencontre de plus en plus de gens qui cultivent pour eux-mêmes ou leurs amis, en dehors des gros trafics », constate Nathalie Lancial, sociologue à Lille pour l’association le Cèdre bleu. Même remarque à l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT) : « La production de cannabis à domicile poursuit son essor parmi les usagers dans la métropole lilloise notamment, une tendance qu’on constate depuis à peu près quatre ans. » Les professionnels de la jardinerie (lire ci-contre) renchérissent : « Même si la plus grosse demande vient de la métropole, nous avons des cannabiculteurs aussi bien sur la côte qu’à Arras ou Valenciennes. » Côté police et gendarmerie, on confirme une hausse des saisies chez les particuliers au niveau national : avec 130 000 plants saisis en 2012 contre 40 000 les années précédentes. Le Nord n’est pas épargné. Selon l’OFDT, un joint sur neuf fumés en France provient d’une culture domestique.
Moins cher
Les causes sont multiples : « Il y a une raison économique bien sûr : ça coûte moins cher de se fournir à domicile et cela peut sembler moins risqué que d’acheter dans la rue. Mais il y a aussi l’augmentation des prix, la volonté de ne plus se mêler à des milieux différents du sien, celle de contrôler la qualité de ce qu’on fume et la tendance du moment qui est de tout faire soi-même. » Pour la sociologue, les profils sont très divers : « Ça va du collégien au cadre père de famille. » Même réponse du côté des jardineries « indoor » : « Le durcissement de la législation en Hollande (lire ci-contre) a dû aussi jouer. » Pour la direction départementale de la sécurité publique (DDSP), le boom de la culture maison du cannabis est aussi dû à Internet : « On y trouve de tout, graines et instruments, très facilement. »
Mais pour les cultivateurs en herbe, les risques sont réels et pas seulement avec les forces de l’ordre ! Mathieu (1), Lillois à la trentaine sportive, fume du cannabis depuis plus de dix ans, à raison « d’un à deux joints par jour, plus quand je suis en soirée ». L’an dernier, avec ses trois colocataires, il a découvert les agréments de la culture locale, au fond de son jardin. « Mais, plus la récolte approche, plus l’odeur est forte. Il faut faire gaffe aux voisins, aux gens qui viennent chez toi. » Le risque : « La convoitise de ceux qui ne veulent pas s’embêter à jardiner ! On a été cambriolé. Ensuite, les types ont tenté de s’introduire chez nous et on s’est battus. Impossible d’appeler la police puisqu’on était nous-mêmes dans l’illégalité… » Les colocataires ont alors décidé de se séparer. Mathieu vit désormais en appartement et est retourné voir son revendeur dans la rue, « avec un pic d’adrénaline à chaque fois ». Arrêter ? Il « y songe », mais attend et « mise d’abord sur la dépénalisation en France ».
De grands cultivateurs très discrets
Il faut souvent un incendie accidentel pour les révéler au grand jour, car les grands cultivateurs de cannabis en intérieur font preuve d’une extrême discrétion. « Le calcul est très simple : 700 plants de cannabis peuvent rapporter 400000 euros environ par an », explique Michel Gandilhon, chargé d’étude à l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies. De l’argent facile pour les trafiquants ? Un placement rentable plutôt : la production d’un plant à deux euros rapportera 320 euros après revente dans les rues. La culture en intérieur, dans des hangars ou friches industrielles, demande une haute technicité, mais permet 4 à 6 récoltes annuelles.
Mafias
Ces derniers mois, les découvertes de grosses plantations se sont multipliées dans la région : 650 plants à Wattrelos en juillet 2011, 350 plants découverts après un incendie à Thumeries en 2012, 1 000 plants à nouveau dans un sinistre à Lille, puis 10 000 plants à Lessines en Belgique après l’explosion d’un groupe électrogène fin décembre. « Les services répressifs du nord et de l’est de la France enregistrent de beaux succès dans le démantèlement de quelques cultures d’envergure », explique un expert de la division du renseignement et de la stratégie à l’office central pour la répression du trafic illicite des stupéfiants. « La plupart de ces plantations font moins de 1 000 pieds. C’est très chronophage et peut demander beaucoup de main-d’œuvre pour les plus grosses. »
« Le phénomène des cannabis factories (grandes plantations) a débuté dans les années 80 aux Pays-Bas avec la constitution de grandes mafias », détaille Danièle Jourdain-Menninger, présidente de la mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie. « Elles ont essaimé et se sont étendues en Allemagne, Flandre et Belgique. » Avec leurs croisements génétiques pour une pousse plus rapide, les graines utilisées n’ont plus grand-chose de biologique. « La France reste un marché en gestation. La consommation d’herbe est en augmentation, mais la résine reste encore le produit stupéfiant le plus consommé », constate Michel Gandilhon. « À l’exception de quelques plantations de plusieurs centaines de pieds tenues par des gangs vietnamiens démantelés depuis trois ans, l’on ne voit pas de grandes mafias se développer autour de la culture d’herbe sur le territoire français. C’est encore le fait de planteurs expérimentés. » Jusqu’à quand ?
Les «jardineries d’intérieur» poussent dans la région
C’est un hangar de jardinerie classique, à Lille. Sauf qu’il y a vraiment beaucoup de lampes, de réflecteurs de lumière et que la marque hollandaise « Canna » se retrouve un peu partout. Même ambiguïté cultivée sur le site Internet d’une des deux chaînes de jardinerie « indoor » (pour planter en intérieur) présentes dans la région : avec une grande feuille façon cannabis, on nous promet une « livraison discrète ».
Des magasins faciles à trouver : il suffit de taper « Nord magasin cannabis » sur Google. Mais où l’on témoigne difficilement : à Lille, un patron va même jusqu’à nous menacer de poursuites judiciaires si on associe sa jardinerie à la culture cannabique. D’autres parlent plus volontiers… de manière anonyme : « On est sur une ligne très fine, reconnaît l’un d’entre eux. Au départ, je ne voulais pas être associé au cannabis, ne serait-ce que pour éviter les ennuis. On peut quand même être poursuivi pour incitation à planter. Et puis, j’ai vu que je perdais des clients. Si on n’est pas estampillé Canna ou si on n’a pas des produits Big Bud, en référence à une sorte de cannabis, on fait moins de chiffre, c’est très net. »
Pour ce gérant, sa clientèle de « cannabiculteurs » a augmenté depuis quatre, cinq ans : « Avec le durcissement de la loi en Hollande, les gens préfèrent cultiver chez eux mais on a toujours affaire à des petits consommateurs, jamais à des grossistes. De toute façon on ne peut pas fournir un même type de produits en grosse quantité et ces gens-là préfèrent la discrétion voire un contact direct avec des fournisseurs belges ou hollandais qui sont champions en la matière. »
Malgré l’absence de ces gros cultivateurs, les deux chaînes sont en plein essor. On compte ainsi trois ouvertures ces derniers mois dans la région et ces « growshop » comme on les appelle existent aussi bien à Arras qu’à Boulogne, Dunkerque ou Valenciennes. « Oui, ça marche bien, reprend le gérant anonyme, mais on ne se gave pas non plus. Et je rappelle quand même que la majeure partie de nos clients cultivent des tomates ou des orchidées ! »
S. F.-P.
Les grandes lignes
La consommation. L’herbe représente 40 % du cannabis consommé en France. Un gramme se monnaye entre 6 et 10 euros en moyenne.
La peine. La production de cannabis est passible de vingt ans de réclusion criminelle
ou d’une amende pouvant aller jusqu’à 7 500 000 euros.
La phrase. « Une société a besoin de normes, de règles, d’interdits. Et la consommation de cannabis n’est pas quelque chose d’anodin. » Manuel Valls.
Le reste du monde. Début décembre, l’Uruguay est devenu le premier pays légalisant la vente, la production et la consommation de haschisch encadrées par l’État.
Un médicament. La France a autorisé la mise sur le marché du Sativex, spray buccal à base de cannabis. Il sera prescrit en 2015 à 1000 patients atteints de sclérose en plaques.
Et aux Pays-Bas ? Aux Pays-Bas, la politique en matière de cannabis repose sur la séparation des marchés entre les drogues dures et les drogues douces et donc la réduction des risques. La vente du cannabis est autorisée depuis 1976 dans les coffee shops, à raison de 5grammes maximum. Fin 2012, le pays a voté une loi pour interdire la vente de cannabis aux étrangers ne séjournant pas aux Pays-Bas. Une carte cannabis (« wietpas ») a alors été mise en place, d’abord dans le sud du pays. Mais jamais parvenue jusqu’à Amsterdam et ses 200 coffee shops, elle a été progressivement abandonnée dans les villes frontalières craignant pour le tourisme.
Le cas français. Notre pays reste l’un des pays les plus répressifs en la matière puisque l’achat, la vente, la production, etc. sont totalement illégaux.
L’actu. Depuis le 1er janvier, l’État du Colorado aux États-Unis autorise la vente libre de marijuana pour adulte. Celle-ci est lourdement taxée à la vente et à la production.
Les saisies. La part de l’herbe dans les saisies réalisées par la police française est passée de 11 % en 2008 à 20 % en 2012.
Combien ? Une installation pour un consommateur régulier (plants, tentes, engrais, lampes) revient entre 100 et 200 euros. Auxquels il faut rajouter les frais d’électricité.
La toxicité. Les effets du cannabis perturbent le fonctionnement physique et psychique de l’usager en ayant un effet sur le cerveau.

Laboratoire Biologiquement

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